Discours de Renaud Donnedieu de Vabres devant les membres du Conseil national des professions du spectacle

12 mai 2006

> Analyse du dispositif
« protocole du 18 avril 2006 – Fonds de professionnalisation et de solidarité » (pdf)
> Analyse comparée de six situations-types d'artistes et de techniciens (pdf)

Mesdames et Messieurs,

A plusieurs reprises, devant le Conseil national des professions du spectacle, j’ai dit que le Gouvernement prendrait toutes ses responsabilités afin de construire un système pérenne et équitable de soutien à l’emploi et d’assurance chômage adapté aux spécificités du secteur du spectacle.

Je comptais même – et on me l’a assez rappelé ! - que ce système puisse être mis en place au 1er janvier 2006.

Il est, à mes yeux, le volet indissociable de l’action artistique, des plans que j’ai présentés à l’automne pour le théâtre, la musique, la danse, le court-métrage. Le soutien à l’emploi, la préoccupation de la condition des artistes et des techniciens, cela fait partie de la conception que je me fais du rôle d’un Ministre de la Culture et de la Communication. Et tant pis pour ceux qui voudront moquer l’emploi culturel comme une des missions du ministère de la Culture et de la Communication. J’assume d’être aussi le « Ministre de l’emploi culturel ».

Vous le savez, la négociation de la convention pour le régime général d’assurance chômage a été plus longue que prévu ; les décisions des confédérations pour signer ou non cette convention pour le régime général sont intervenues jusqu’à la mi-janvier ; et, concernant les annexes 8 et 10, relatives à l’assurance chômage des artistes et des techniciens du spectacle, pour ne pas précipiter la conclusion d’une négociation qui n’avait pas eu le temps de prendre en compte tous les travaux et propositions intervenus depuis deux ans, qui aurait pu, ce que j’avais redouté, se li miter la reconduction du protocole de 2003, plusieurs organisations ont souhaité – et je les en remercie - prolonger le régime actuel des annexes 8 et 10 jusqu’à la conclusion d’un nouveau protocole.

Pour qu’il n’y ait ni vide juridique ni incertitude quant à la couverture sociale et professionnelle des artistes et des techniciens, pour laisser aux partenaires sociaux le temps nécessaire à une vraie négociation, à caractère professionnel, le Gouvernement a décidé d’agréer cette prorogation – et de maintenir en vigueur le Fonds transitoire qui permet de réintégrer dans leurs droits les artistes et les techniciens qui effectuent 507 heures en 12 mois, mais n’y parviennent pas dans les délais fixés par le protocole du 26 juin 2003.
Les partenaires sociaux ont fixé un calendrier de négociations et de travail, qui a commencé le 14 février et qui devait s’achever le 8 mars. Audelà du point d’équilibre économique auquel ils étaient parvenus le 8 mars, après des travaux d’expertise et de vérifications techniques qui ont nécessité le report de la réunion de conclusion de leur négociation, les partenaires sociaux ont finalement défini, le 18 avril dernier, dans un nouveau protocole, ce que devaient être, à leurs yeux, le niveau et le contenu de la solidarité interprofessionnelle que recouvre le régime spécifique d'assurance chômage des artistes et techniciens – même si ce nouveau protocole fait l’objet d’appréciations contrastées de la part des différentes confédérations.
C’est leur responsabilité – et le Gouvernement entend la respecter.
Je relève que les mêmes qui nous reprochaient, en décembre dernier, de n’avoir pas obligé les partenaires sociaux à conclure leur négociation dans les délais prévus regrettent aujourd’hui que nous ne fassions pas pression sur eux pour qu’ils prolongent leur discussion et aillent au-delà des avancées significatives qui figurent dans le nouveau protocole du 18 avril ! Je le répète : le gouvernement entend respecter les prérogatives et les calendriers du dialogue social.
Avant de définir en quoi ce protocole, renforcé par l’expression de la solidarité nationale, peut contribuer à créer un système équitable et pérenne de soutien à l’emploi dans le spectacle, je voudrais souligner plusieurs éléments novateurs, par rapport aux négociations des protocoles précédents.
Au plan de la méthode, tout d’abord.
Cette fois-ci, de nombreuses réunions de négociations et de travail ont eu lieu, officielles ou officieuses, en tous sens et en tous formats, allant au-delà des canons habituels de la négociation sociale interprofessionnelle sur les annexes 8 et 10.
Je voudrais relever le souci qui a été celui des organisations confédérales d’employeurs comme de salariés d’associer étroitement à leurs travaux les employeurs et les fédérations de salariés du secteur, témoignant ainsi de leur volonté de donner un caractère pleinement professionnel à leur négociation. Des propositions importantes, émanant des employeurs regroupés au sein de la FESAC comme des fédérations de salariés qui ont participé aux négociations, ont été prises en compte dans le protocole du 18 avril.
Des rencontres ont été organisées avec les parlementaires, notamment ceux du Comité de suivi, dont je veux, une nouvelle fois devant vous, saluer le rôle et le travail depuis plus de deux ans, eux qui ont su, avec les Commissions des affaires culturelles des deux Assemblées, susciter une exceptionnelle mobilisation parlementaire en faveur des artistes et des techniciens du spectacle, en faveur de l’activité culturelle et artistique sur tout notre territoire.
Des rencontres bilatérales ont eu lieu entre certaines confédérations et la Coordination des intermittents et précaires d’Ile de France, marquant ainsi une attention particulière et nouvelle à des contributions émanant d’artistes et de techniciens qui ont choisi de se regrouper en dehors des organisations syndicales – mais soulignant aussi, dans le même temps, que seule l’expression des organisations syndicales doit être prise en compte dans un dialogue social institutionnel et organisé.
Enfin, les confédérations d’employeurs et de salariés ont tenu à ce que leur négociation soit éclairée par un travail d’expertise d’une intensité exceptionnelle, mené en pleine coopération et transparence, tant de la part de Jean-Paul Guillot, l’expert indépendant désigné par le Gouvernement et qui a travaillé pour tous les partenaires sociaux qui l’ont sollicité, que de la part des services techniques de l’UNEDIC. Vous me permettrez d’exprimer devant vous une gratitude particulière à Jean-Paul Guillot pour l’intelligence, la rigueur et la constance avec lesquelles il a accompagné, depuis maintenant près de deux ans, l’élaboration d’un système pérenne de soutien à l’emploi dans le spectacle.
On peut toujours aller plus loin dans la concertation et la conduite des négociations. On peut approfondir encore les travaux techniques ; je ne crois pas qu’une négociation pour définir les annexes 8 et 10 ait jamais été précédée de tant d’expertises, de chiffrages, de tant de minutie, de tant de précautions, pour que ceux des partenaires sociaux qui vont engager leur signature soient bien certains des effets des dispositions du protocole sur la situation des artistes et des techniciens. Tout ce travail a été et sera utile, j’en suis convaincu.
Au plan de son contenu, ensuite. Je voudrais m’en tenir à quelques observations essentielles.
En tant que Ministre de la culture et de la communication, responsable d’un secteur d’activité essentiel pour le rayonnement de notre pays et pour sa vitalité économique, je me réjouis très profondément que les partenaires sociaux aient confirmé l'engagement qu'ils avaient pris lorsqu'ils se sont réunis à deux reprises, rue de Valois, de maintenir le régime spécifique d'assurance chômage des artistes et techniciens au sein de la solidarité interprofessionnelle. Au nom du Gouvernement, mais aussi, si vous m’y autorisez, au nom des professionnels du spectacle que ce Conseil représente, je veux publiquement les en remercier.
Au terme de leur négociation, les partenaires sociaux garantissent aux artistes et aux techniciens la prise en compte des spécificités de leurs pratiques d’emploi et un niveau d’indemnisation élevé, de 51 en moyenne par jour pour les artistes et de 60 pour les techniciens (quand ce niveau est, en moyenne, dans le régime général, de 33 - même s’il faut, pour être tout à fait juste, rappeler que le taux de cotisation est double – mais plafonné ! -pour les employeurs comme pour les salariés du secteur). Le coût, pour l’UNEDIC, est de l’ordre du milliard d’euros par an, pour un peu plus de 100 000 artistes et techniciens indemnisés.
Ce protocole prend en compte le rythme d’activité et la saisonnalité spécifiques au secteur du spectacle. Il permet aux artistes et aux techniciens de retrouver, pour la recherche de leurs droits, la période de référence annuelle qui correspond au rythme de l’immense majorité d’entre eux, même si c’est au terme d’un mécanisme un peu complexe.
Le protocole du 18 avril définit une formule de calcul de l’allocation qui encourage à déclarer toutes les heures travaillées, et qui, avec l’abandon du salaire journalier de référence, prévoit des montants d’indemnisation proportionnels à la fois à la rémunération et à la durée du travail effectué et déclaré, de manière à ce qu’un artiste et un technicien ait toujours intérêt à choisir de travailler et à déclarer tout son travail plutôt que d’être indemnisé par l’assurance chômage. Ce n’était le cas ni dans le système de 2003 – ni dans les systèmes qui l’ont précédé. Et c’est un système équitable, au sens où deux salariés placés dans des situations comparables de durée de travail et de rémunération auront un niveau d’indemnisation comparable. Ce n’était pas le cas avant. La nouvelle formule de calcul est aussi plus juste, et corrige des défauts du système antérieur : elle améliore le niveau d’indemnisation de ceux dont les revenus sont les plus faibles et limite le niveau d’indemnisation de ceux qui tirent déjà de leur travail des revenus très substantiels. Dans un système d’intermittence, les allocations de chômage ne doivent pas être un revenu de complément pour des salaires déjà élevés. Permettez-moi d’insister sur ce point, car il s’agit d’un aspect essentiel pour la politique de l’emploi – c’est bien la clef de voûte d’un nouveau système, bien plus encore que tous les curseurs et seuils, qui peuvent parfois prendre valeur de slogan !
Avec le système de décalage retenu, le nouveau protocole encourage les employeurs comme les salariés, lorsqu’ils en ont la possibilité, à choisir des contrats plus longs, voire, pour un travail permanent, un contrat à durée indéterminée plutôt que de recourir à l’intermittence. Il concourt ainsi à faire jouer à l’assurance chômage son rôle de revenu de remplacement et non plus de revenu de complément.
Le protocole du 18 avril prévoit enfin d’importantes améliorations de protection sociale par rapport au protocole de 2003 : la prise en compte consolidée des congés de maternité ou d’adoption, la prise en compte nouvelle des congés liés aux accidents du travail ; la garantie du maintien de leurs allocations jusqu’à l’âge de la retraite pour les artistes et techniciens qui ont dépassé 60 ans et demi.
Au-delà du point d’équilibre auquel sont parvenus les partenaires sociaux, le Premier Ministre a indiqué, le 12 décembre dernier, que l'Etat prendrait, lui aussi, ses responsabilités, et que, dès lors qu’il existera un accord, la création d’un Fonds permanent de professionnalisation et de solidarité pour les artistes et les techniciens manifestera que la solidarité nationale prend le relais de la solidarité interprofessionnelle.
L’Etat prendra donc sa part, aux côtés des partenaires sociaux, pour construire un système pérenne et équitable de protection sociale et professionnelle pour le soutien à l’emploi des artistes et des techniciens du spectacle.
On peut débattre, et c’est légitime, de ce qui relève de la solidarité interprofessionnelle et de ce qui relève de la solidarité nationale, de ce qui relève des interventions publiques ou des conventions collectives. Au total, c’est l’appréciation qui sera portée sur l’ensemble qui importe. C’est sur l’ensemble qui sera constitué par l’accord d’assurance chômage – s’il recueille les signatures nécessaires - et le Fonds mis en place par l’Etat que je revendique que soit jugé le système pérenne et équitable auquel je me suis engagé au nom du Gouvernement.
Au terme de la concertation qui a été menée, ces derniers jours, avec les partenaires sociaux, je confirme que l’intervention de l’Etat vient renforcer la protection assurée par le régime d’assurance chômage et s’articule avec lui. En aucun cas elle n’aboutit, comme la crainte en est parfois exprimée, à ce que la solidarité nationale se substitue à la solidarité interprofessionnelle. Et elle respecte les prérogatives et les responsabilités qui sont celles des partenaires sociaux dans la définition d’un régime paritaire – spécifique – d’assurance chômage.
Le Fonds exercera six missions principales, sans aucun empiètement sur le rôle des organismes sociaux et professionnels actuellement en place dans le secteur.
1. Le Fonds apportera un soutien financier lorsque les artistes et techniciens arrivent au terme de leurs droits à indemnisation et qu’ils ne peuvent pas bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité.
Cette allocation de fin de droits, d’un montant de 30 par jour, sera versée selon une durée modulable en fonction de l’ancienneté des artistes et des techniciens dans le régime d’assurance chômage : 2 mois pour ceux qui ont moins de 5 ans d’ancienneté ; 3 mois pour ceux qui ont entre 5 et 10 ans d’ancienneté ; 6 mois pour ceux qui ont plus de 10 ans d’ancienneté. Cette allocation sera versée une fois dès lors qu’il s’agit de professionnels qui ont effectué 507 heures dans les 12 derniers mois.
Ainsi sera remplie une des fonctions essentielles de la « date anniversaire », qui correspond à une des demandes principales des artistes et des techniciens, à savoir une protection pour tous les artistes et les techniciens, quelle que soit leur ancienneté dans le régime, d’une durée, au minimum, d’une année entière, en combinant le temps consacré à leur activité professionnelle, la durée d’indemnisation (243 jours) et l’allocation de fin de droits.
C’est un niveau de protection qui marque une valeur ajoutée spécifique de la solidarité nationale par rapport à la solidarité interprofessionnelle – et supérieur à tout ce qui a existé avant 2003.
2. Le Fonds assurera une mission d’action sociale
Pour les artistes et techniciens atteints par des maladies remboursées à 100 % par l’Assurance Maladie, le Fonds prendra en charge le coût correspondant à l’assimilation des périodes de congé de maladie à des périodes d’activité à raison de 5 heures par jour pour le calcul des heures ouvrant droit au régime spécifique d’assurance chômage. Plus généralement, pour les artistes et techniciens qui ne sont pas couverts par les dispositifs d’action sociale de leur caisse de retraite et qui ne bénéficient pas d’autres dispositifs d’action sociale, le fonds pourra assurer, au cas par cas, des aides ponctuelles d’urgence et des secours individuels prolongés qui permettent de répondre aux situations de grave détresse ou de risque de désocialisation du demandeur. Les décisions en la matière devront être prises de manière collégiale et transparente.
3. Le Fonds encouragera à dispenser des formations (éducation artistique et formation professionnelle)
Vous savez tout l’attachement qui est celui du Gouvernement à développer l’éducation artistique, à encourager les artistes à intervenir dans les écoles, les établissements scolaires et universitaires. Je considère, je l’ai dit, que la transmission fait partie intégrante des métiers des artistes et des techniciens.
Pour encourager les artistes et les techniciens qui le souhaitent à transmettre leur savoir, leur savoir-faire et leur expérience, le Fonds prendra en charge le coût correspondant à l’intégration, dans le calcul des heures ouvrant droit au régime spécifique d’assurance chômage, des heures de formation dispensées dans un certain nombre de structures agréées à hauteur de 120 heures par an, comme cela avait été prévu dans le Fonds transitoire, en complément des dispositions prévues par le protocole d’accord du 18 avril 2006.
4. Le Fonds soutiendra les actions d’aide à la pérennisation des emplois
En accompagnement des expérimentations lancées par l’Etat, avec le concours de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), en matière d’aide à la structuration du secteur, et dans la perspective de leur généralisation, le Fonds pourra apporter un soutien financier aux structures en vue de l’aide à la pérennisation des emplois, soit directement, soit par une démarche de mutualisation.
L’UNEDIC pourra être associée à cet effort en signant des conventions d’aides actives à la création d’emplois permanents.
5. Le Fonds permettra de détecter les artistes et techniciens en situation de vulnérabilité professionnelle et, sur la base du volontariat de leur part, de leur proposer un soutien professionnel adapté.
Sur la base des données recueillies par Audiens (le groupe de prévoyance du secteur), pourront être détectés, de manière systématique et exhaustive, les artistes et techniciens qui, dans les cinq dernières années, sans que ce soit obligatoirement le signe d’une fragilité professionnelle de leur part, sont sortis au moins une fois du régime d’assurance-chômage, ont eu un volume d’activité qui reste durablement fixé autour du seuil minimum d’affiliation ou qui perçoivent des revenus durablement faibles de leur activité.
En complément de la mise en oeuvre de l’accompagnement personnalisé prévu par le protocole d’accord du 18 avril 2006, grâce à une coopération étroite avec le réseau ANPE spectacle, l’AFDAS (organisme de formation du secteur) ou l’AFPA, ces personnes, si elles répondent volontairement à l’invitation qui leur sera faite à un entretien, pourront se voir proposer un soutien en terme d’appui professionnel, de formation dans le secteur ou de formation en vue d’une aide à la reconversion.
Cette démarche pourra être renouvelée tous les cinq ans et apportera ainsi aux artistes et techniciens un suivi de leur carrière sur la durée.
Ce repérage systématique n’est pas exclusif de démarches individuelles volontaires d’artistes ou de techniciens qui voudraient bénéficier d’un soutien professionnel adapté.
De manière plus spécifique, mais également systématique, un accueil sera prévu pour les femmes enceintes, pour les informer très précisément de tous les droits qui leur sont ouverts – et que, bien souvent, au-delà de ceux dont elles sont informées par leur caisse primaire d’assurance maladie ou leur caisse d’allocations familiales, elles ne connaissent pas – et pour les aider à préparer leur reprise d’emploi, au terme de leur congé de maternité.
6. Le Fonds accompagnera la mise en oeuvre progressive de l’accord.
Pour tenir compte des premiers effets attendus des conventions collectives, il prendra en charge au plus tard jusqu’à la fin de l’année 2007, le coût de l’indemnisation des artistes et des techniciens qui ne remplissent pas les conditions de réadmission dans les annexes mais qui réalisent 507 heures sur 12 mois.
Par rapport à la situation de 2005, où, grâce au Fonds transitoire, les artistes et les techniciens pouvaient bénéficier des annexes dès lors qu’ils avaient effectué 507 heures sur 12 mois, le protocole du 18 avril reprend les conditions d’entrée plus exigeantes fixées par le protocole de 2003.
Les nouveaux seuils d’affiliation prévus pourront très certainement être atteints, comme le montre l’analyse fine des premiers chiffres disponibles du Fonds transitoire, au terme d’une période d’adaptation et par l’effet des conventions collectives en cours de négociation.
Pour aider les professionnels à s’adapter aux nouvelles conditions de réadmission, le Fonds comprendra, en accompagnement des dispositions transitoires déjà prévues par les partenaires sociaux dans le protocole du 18 avril, des mesures qui permettront aux artistes et aux techniciens de conserver, jusqu’aux premiers effets des conventions collectives, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2007, un seuil de 507 heures sur 12 mois pour bénéficier de l’indemnisation correspondant aux annexes 8 et 10 – et d’avoir ainsi, pendant cette période, des conditions d’indemnisation plus favorables que celles qui sont prévues avec l’allocation de fin de droits.
C’est le signe de la confiance que le Gouvernement place dans le bon aboutissement des conventions collectives, sur lesquelles Gérard Larcher interviendra dans un instant, pour structurer l’activité dans le secteur. C’est aussi le signe de la détermination avec laquelle nous entendons accompagner la négociation de ces conventions !
Tirant les enseignements du fonctionnement du Fonds transitoire en 2005 (plus des trois quarts des artistes et des techniciens ont bénéficié de l’allocation du Fonds transitoire pour une durée de moins de 3 mois, pour un montant moyen d’allocation journalière de 45 euros), les mesures transitoires du Fonds prévoient un plafonnement de l’allocation à 45 euros par jour, et une limitation de durée de 3 mois. Il s’agit de concentrer l’aide de la solidarité nationale sur les artistes et les techniciens qui sont placés dans les situations d’activité ou de revenu les plus fragiles.
Telles sont les fonctions que le Fonds de professionnalisation et de solidarité assurera pour les artistes et les techniciens du spectacle. Elles feront l’objet, en fonction de la nature des prestations, de conventions de délégation de gestion passées avec l’UNEDIC et avec Audiens, le Groupe de prévoyance du secteur du spectacle.
Un comité d’orientation associera, aux côtés de l’Etat, les partenaires sociaux du secteur. Il sera consulté sur les missions de professionnalisation et jouera un rôle de suivi et de conseil. Un bilan périodique des actions lui sera présenté, et un rapport d’activité du Fonds sera présenté, en fin d’exercice, au Conseil national des professions du spectacle.
Telle est, Mesdames et Messieurs, l’économie générale d’un système pérenne et équitable de soutien à l’emploi, de protection sociale et professionnelle pour les artistes et les techniciens du spectacle, où l’assurance chômage joue pleinement son rôle, mais seulement son rôle – et non plus, comme cela a été trop longtemps le cas, celui de financeur indu et de régulateur quasi exclusif du secteur !
J’ai demandé à Jean-Paul Guillot d’établir, à partir de quelques situationstypes d’artistes ou de techniciens, une comparaison du niveau de protection assuré par le nouveau système par rapport aux systèmes antérieurs, de manière à ce que chacun puisse objectivement apprécier son effet concret sur la situation des artistes et des techniciens – dont je sais bien qu’elle demeurera difficile et incertaine ! Ce document vous sera remis en annexe du texte de nos interventions, avant d’être mis en ligne sur le site du Ministère.
C’est l’exemple des informations concrètes qui devront figurer sur le site du Fonds de professionnalisation et de solidarité, qui devra constituer, en liaison avec tous les autres sites (de l’UNEDIC, des organismes sociaux du spectacle, des différentes institutions et ministères) un portail professionnel pour les artistes et les techniciens.
Au-delà des informations, les améliorations concrètes et très attendues à apporter dans le fonctionnement des systèmes informatiques et la constitution des dossiers par les ASSEDIC, devraient faciliter l’accès des artistes et des techniciens aux prestations auxquelles ils ont droit.
Est-ce à dire que le nouveau système est parfait ? Evidemment non ! Il devra être amélioré, aménagé, au fur et à mesure que seront conclues les conventions collectives et qu’elles produiront leurs effets, au fur et à mesure que le renforcement des contrôles dissuadera les abus qui ont trop longtemps marqué le secteur – et qui sont encore loin d’avoir disparu. Je vais, dans un bref instant, laisser la parole à Gérard Larcher qui vous décrira l’engagement de son département ministériel sur ces deux sujets.
Mais au moins, ce nouveau système reposera sur des bases saines. Et il a, à mes yeux, quels que soient ses défauts ou ses imperfections, l’incomparable mérite d’être le fruit de la négociation entre les partenaires sociaux interprofessionnels, de leur volonté de maintenir au sein de la solidarité interprofessionnelle un régime spécifique d’assurance chômage pour les artistes et les techniciens du spectacle et d’assurer, à leurs côtés, l’engagement durable et déterminé de l’Etat. Et ce mérite-là lui donne une supériorité absolue sur toute autre solution !
Ma conviction est que, sur la base du protocole du 18 avril, s’il est signé et renforcé par le Fonds de professionnalisation et de solidarité, il est possible de bâtir le système équitable et pérenne que nous appelons tous de nos voeux sans recourir à la loi, et de le rendre effectivement opérationnel dans des délais et dans une sécurité juridique qu’une démarche législative ne permettrait pas de garantir.
On ne va pas nous reprocher, maintenant, de préférer le respect dû au dialogue et à la responsabilité des partenaires sociaux à une démarche législative qui consisterait à se substituer à eux – et dont les résultats concrets seraient incertains et tardifs et, pour tout dire, aventureux, car aucune loi ne pourra définir tout le contenu d’une négociation conduite par les partenaires sociaux !
Plutôt qu’à une loi, je préfère que nous consacrions, tous ensemble, notre énergie à la construction d’une politique de l’emploi dans le secteur du spectacle, à la négociation des conventions collectives, à la vigilance quant à leur application. Je souhaite que la mobilisation exceptionnelle des parlementaires, que je voudrais une nouvelle fois saluer, encourage l’Etat comme les collectivités territoriales, qui ont des responsabilités essentielles en la matière, à jouer pleinement leur rôle, ainsi que le rapport d’Alain Auclaire nous y a invités.
Il y a, en effet, et je ne veux pas manquer de le rappeler en terminant, au-delà de l’assurance chômage, tant d’actions à conduire pour organiser l’activité dans le secteur du spectacle !
Le plan pour l’emploi dans le spectacle vivant, qui se décline dans chaque région ; les crédits d’impôt pour le cinéma et l’audiovisuel, qui ont permis la relocalisation des productions et une augmentation, en 2005, de 35 % du nombre de semaines de tournage sur notre territoire ; demain, j’espère, les crédits d’impôt pour l’édition phonographique et le jeu vidéo, ce sont des volets aussi importants que l’assurance chômage pour la construction d’un système pérenne de soutien à l’emploi.
La négociation des conventions collectives, la lutte contre les abus, un cadre juridique mieux adapté pour les pratiques amateurs, qui doivent être encouragées, mais qui ne doivent pas constituer, en particulier dans le secteur musical, une concurrence déloyale pour les professionnels, la régularisation engagée du recours à l’intermittence ou aux contrats précaires dans l’audiovisuel public, qui devra se traduire dans le « volet emploi » des contrats d’objectifs et de moyens que l’Etat va passer avec chaque société du secteur public de l’audiovisuel, ce sont de grands chantiers, essentiels, pour lesquels toute notre énergie commune doit être mobilisée.
Je veux vous dire, enfin, combien je sais pouvoir compter sur le Conseil national des professions du spectacle, dont j’ai pu apprécier le soutien, tout au long des deux années écoulées, pour accompagner la mise en oeuvre d’un système pérenne et équitable de soutien à l’emploi dans le secteur du spectacle – et vous en exprimer, par avance, toute ma reconnaissance.
Soyez assurés que vous pouvez, aussi, en retour, pleinement compter sur notre engagement et notre détermination.
Je vous remercie.